Maquisards au camp de la Lance (Nyonsais)
Légende :
Deux maquisards en armes, entourant leur chef, entre deux entraînements, au camp FTP de La Lance en mai 1943.
Genre : Image
Type : Photo
Producteur : Inconnu
Source : © Collection Marius Audibert Droits réservés
Détails techniques :
Photographie en noir et blanc, vraisemblablement prise en mai 1943.
Date document : probablement mai 1943
Lieu : France - Auvergne-Rhône-Alpes (Rhône-Alpes) - Drôme - La Roche-Saint-Secret
Analyse média
Marius Audibert, chef des effectifs du maquis FTP (Franc-Tireur et
partisan) Morvan au cours de l’été 1943, possède dans ses archives
personnelles cette photographie, prise par un homme (inconnu) du maquis
de La Lance.
Elle date des débuts du maquis FTP de la Lance,
créé en mars 1943. Prise vraisemblablement en mai, aux abords du camp –
dont on peut observer une remise, sur la droite du cliché –, elle peut
se situer entre deux entraînements ; elle peut aussi avoir été motivée
par le souci de conserver une marque d’un moment de vie personnelle
exceptionnel, lié à la clandestinité armée et peut-être même à
l’histoire, pouvait se demander ces jeunes. Les consignes concernant la
destruction de tout document (écrit ou autre) pouvant servir à l’ennemi,
étaient pourtant rigoureuses…
De gauche à droite : Marius
Audibert ("Raymond"), Monier, chef de ce maquis, Émile, un copain de
Marius Audibert. Le premier et le troisième sont armés d’un fusil de
guerre, leur chef tient semble-t-il une mitraillette, l’étui en
bandoulière. Leur tenue est sommaire : short, torse et tête nus, le chef
excepté, qui porte un calot ; les chaussures sont disparates, allant de
la sandale à la bottine en passant par le soulier bas fermé, peut-être
certaines de récupération, toutes sans chaussettes. La fin de printemps
expliquerait en partie la tenue, la pénurie de tout justifiant le reste.
L’armement, mis en exergue par la photo, apparaît comme la
préoccupation essentielle, justifiant la volonté explicite chez ces
jeunes hommes de se battre. Il semble qu'il y ait deux fusils (Audibert
et son copain). Monier semble être armé d'un pistolet équipé d'une
crosse qui pourrait être mitrailleur du type PM 38 ou muni d'une crosse
en bois.
Sur la gauche, nous distinguons le début d’une combe descendant de La Lance, culminant à 1338 m (la Bergerie est à 857 m).
Auteurs : Michel Seyve
Contexte historique
La montagne de la Lance a joué un rôle important pour les jeunes
réfractaires au STO (Service du travail obligatoire) d’un peu partout,
souvent informés par des réseaux résistants de « zone libre » comme de «
zone occupée ».
Lorsqu'ils fuyaient les recherches de la
gendarmerie et voulaient s'inscrire dans un combat de libération
nationale, ils trouvaient à la Lance refuge, assistance et initiation
militaire. De multiples témoignages relatent la contribution apportée
aux maquis ainsi constitués à partir de 1943, par de nombreux
sédentaires des bourgs et villages voisins (Nyons, Taulignan, La
Roche-Saint-Secret, Dieulefit, Bourdeaux, Bouvières, Saint-Ferréol,
Condorcet, Venterol, Le Pègue, dans la Drôme, Valréas, dans le Vaucluse
...).
Alors qu'Albin Vilhet pour le Comité de la Résistance de Nyons,
ancien de la guerre 1914-1918, est parmi les premiers à diriger les
jeunes de la région vers la ferme Buffet, au printemps 1943, le pasteur
Saignol à Valréas est à l'initiative de celui de la ferme Chauveau, sur
l'autre pente, un peu plus bas. Une dizaine de personnes se répartissent
des tâches d'intendance primordiales. Outre la saine coopération qui
semble caractériser les rapports AS (Armée secrète)-FTP sur cette
montagne, il faut insister sur le fait que les deux camps signalés se
reconstituent, plus tard, après les attaques ennemies du 1er juillet
1943, ce qui signale entre autres l'intérêt particulier que revêt la
Lance pour le maquis : "c'est un passage principal et plus de cent cinquante jeunes y transiteront", note Lucien Dufour (capitaine Paris).
Si
des réseaux de la Drôme et des départements voisins souvent
"sédentaires" sont déjà installés au printemps 1943, les jeunes
choisissant la vie clandestine, par contre, peuvent avoir des origines
diverses et lointaines, voire étrangères.
L'Allemagne nazie,
avide de main-d'oeuvre, voit dans les contingents des Chantiers de
jeunesse un potentiel non négligeable, qui sera d'autant plus facile à
déporter qu'il est en uniforme et encadré. Le gouvernement de Vichy
collabore avec zèle et astreint ces jeunes au STO.
M. Audibert
est le seul des garçons de ce minuscule groupe dont nous connaissions le
parcours. Il entre aux Chantiers de jeunesse, pour 6 mois, en novembre
1942, à Nyons. Il fait connaissance, pendant ce laps de temps, d’une
famille qu'il devine tout de suite hostile à l'occupant. Un peu plus
tard, au moment où le gouvernent de Vichy fait embarquer le contingent
des chantiers à Nyons, en chemin de fer, pour aller travailler en
l'Allemagne dans le cadre du STO, accompagné d’un copain, il fausse
compagnie à la troupe. C’est alors qu’il se réfugie dans cette famille,
qui le cache quelques jours. De là, en mai 1943, il entre au maquis FTP
de La Lance. Cette montagne, relativement spacieuse, isolée tout en
étant à proximité de voies de passage comme la vallée du Rhône, entourée
d’une population comprenant une souche résistante, était connue comme
lieu de refuge et de lutte bien au-delà de la région.
L’exemple
de M. Audibert est relativement courant. L. Dufour signale son propre
cas mais aussi, par exemple, celui de trois jeunes fuyant un convoi en
gare de Perrache à Lyon et récupérés par un couple de Tain-l’Hermitage.
Celui-ci "les héberge le temps de leur faire des fausses cartes
d'identité, délivrées par la préfecture de la Drôme, leur fournissent
des habits civils, puis les dirigent vers La Roche-Saint-Secret et le
maquis FTP de la Lance, qu'ils rejoignent fin juillet". Des récits analogues pourraient sans doute être faits en ce qui concerne les organisations de l'AS.
En
considérant les FTP drômois (environ 2 500 hommes à la Libération),
Lucien Dufour observe que le 1er régiment Drôme regroupe les maquis du
sud du département, soit à lui seul, approximativement plus des deux
tiers des effectifs de la Drôme ; le 2e régiment doit regrouper,
précise-t-il, les FTP Drôme-Nord et, en outre, Drôme-Centre.
Dans
ce contexte, les récits que l'on a relevés ne semblent pas
qu'anecdotiques. Davantage, ils révèlent une originalité marquante de la
montagne de la Lance à cette époque : nous qualifions ainsi ce type de
maquis, très imparfaitement, de "camps de passage" ou encore de "plaques
tournantes", éléments de bases pour l’essaimage d’autres groupes.
Auteurs : Michel Seyve
Sources : Archives privées Marius Audibert. Dvd-rom La Résistance dans la Drôme-Vercors, éditions AERI-AERD, février 2007. Exposition Les maquis de la Lance (ANACR).

























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