Lorsque dans la matinée du 17 juin 1940, le Maréchal Pétain
annonce à la Radio nationale qu'il a demandé les conditions d'une
armistice à l'Allemagne,c'est surtout la consternation. Peu entendront
l'appel, le lendemain, du Général de Gaulle
à la Résistance. Peu aussi connaissent les vrais desseins de
l'ex-vainqueur de Verdun, d'établir un régime autoritaire en France. Ce
sont les premiers résistants, d'autres emboîteront le pas par la suite.
L'opposition, d'abord larvée, va prendre corps. Elle se fortifie autour
de Fernand Mauroux,
industriel à Auch qui à la réunion de novembre 1940 de la Chambre de
Commerce, refuse de s'associer à une adresse envoyée au Maréchal
Pétain. Le mouvement de Résistance dont il fait partie est «Liberté», fondé par ses amis du parti démocrate populaire : François De Menthon et Pierre-Henri Teitgen. Autour de lui,
contactés de proche en proche, il y a l'instituteur Ernest Vila, le
vétérinaire Georges Daubèze, Jean Bourrec, professeur adjoint au lycée
d'Auch, Louis Villanova, agent
militaire. D'autres contacts font entrer dans la Résistance
organisée le carrossier Dubos, le capitaine
aviateur Sahuc, Auguste
Sempé, maire de Pessan, Alexandre
Baurens, agriculteur à Beaucaire-sur-Baise. On cherche des
représentants dans tous les cantons. Fin 1941, «Liberté» par sa
fusion avec «Vérités» d'Henri
Frenay devient «Combat», le mouvement le
plus important dans le Gers. Une autre Résistance s'affirme,
celle des militaires du 2e
Dragons installé à Auch au quartier Espagne en septembre 1940. Son
chef de corps, le lieutenant-colonel Schlesser
naguère chef du Contre-Espionnage français est un germanophobe déclaré.
Avec son entourage et en premier le capitaine de
Neuchêze, il s'emploie à dissimuler un peu partout du matériel de
guerre, soustrait aux Commissions d'armistice. 1941, 1942, c'est
l'époque des tracts, des journaux clandestins circulant sous le manteau
et celle plus risquée des graffitis. Le général Laure, venu le 26
juillet 1941 à Auch pour préparer le voyage du Maréchal Pétain, n'y
échappera pas.
La radio de Londres est religieusement écoutée. Le Général De
Gaulle cristallise toute la Résistance.
Le groupe auscitain a pu entrer en relation avec le groupe Bertaux de Toulouse. On parle
sérieusement de parachutage; malheureusement un des conjurés a parlé.
Aussi, le 25 novembre 1941, Daubèze est
appréhendé par les policiers de la Surveillance du Territoire et
incarcéré à Toulouse. L'année suivante, c'est au tour de Mauroux d'être
arrêté, impliqué dans l'attentat contre le kiosque à journaux de la
place de la mairie à Auch, comme détenteur d'explosifs de carrière.
Tous deux subissent de lourdes peines de prison.
D'autres mouvements de Résistance sont apparus au cours de
l'année 1942 : «Libérer et Fédérer»
qui a son siège à Toulouse, «Libération» ou
«Libé-Sud» à Auch et à Riscle, «Franc-Tireur»
à Eauze et à Lectoure.
Mais le 11 novembre 1942, les Allemands sont là, ayant franchi la ligne de démarcation à la limite des
Landes. Le 2e Dragons est
démobilisé mais avant de se séparer Schlesser les exhorte à reprendre
le combat le moment venu.
Des pelotons entiers se regroupent dans des chantiers forestiers
au début l'année suivante, constituant les premiers maquis : Berdoues,
Ponsampère, Manciet, Miélan, Ordan-Larroque. Le 16 février 1943 paraît
la loi sur le Service du Travail Obligatoire (STO)
appelant les jeunes gens à travailler en Allemagne. Mais tous ne
répondent pas et de moins en moins. Certains rejoignent l'AFN
(Afrique du nord) l'Espagne, d'autres se cachent dans les fermes sous
de fausses identités fournies par la Résistance. La Résistance
s'étoffe de jour en jour et se donne de nouvelles structures. Au
printemps de 1943 sont créés les M.U.R..,
Mouvements Unis de la Résistance regroupant «Combat», «Libération» et
«Franc-Tireur». A leur tête, il y a Vila qui a
trouvé refuge chez Baurens à la campagne, très activement secondé par
Bourrec. L'Armée Secrète (A.S.), avec pour chefs
Villanova et Termignon, est l'expression militaire de «Combat», puis
des M.U.R. Les anciens dragons (2e Dragons ci-dessus) auxquels se sont
joints des éléments civils, constituent l'Armée Régulière (A.R.)
et sont sous le contrôle du capitaine de Neuchèze, lui-même subordonné
au commandant
Pommiès de Toulouse. Les 2 organisations agissent en parfait accord
au début, puis chacune reprend sa liberté. Les parachutages procurent
l'armement aux unes et aux autres. Le premier a lieu dans la nuit du
1er mai 1943 sur les communes de Marsan et Montaut-les-Créneaux, suivis
ceux de Saint-Médard et de Miramont-Latour en aoû t et de Lectoure en
novembre de la même année.
Surgit la répression allemande qui n'aura plus de cesse. Le
personnel l'«Imprimerie Moderne» à Auch, d'où est sorti le «Chant des partisans» en même temps que
les «Cahiers de la Libération»,
est arrêté par la Gestapo le 11 décembre 1943.
Le maquis de Berdoues-Ponsampère est surpris au matin du 14 suivant et
tous les hommes prennent le chemin de la Déportation.
D'autres arrestations ont ont lieu à Simorre, Sauveterre et de
nouvelles à Montesquiou, Tillac. Dans la nuit du 9 au 10 mars 1944,
c'est un coup de filet sur les résistants auscitains, notamment
Bourrec, Daubèze. Pour dure que soit sa répression, l'occupant ne peut
plus endiguer la poussée de la Résistance. En prévision du
débarquement, elle forme de véritables bataillons, quadrillant
l'ensemble du département : au nord, le bataillon
Prosper (Giral); à l'est et au sud-est, le bataillon Raynaud; au sud, le bataillon Soulès. A
l'ouest, il y a bataillon de l'Armagnac
aux ordres du capitaine de réserve Maurice
Parisot. Il est de loin le plus fort et le mieux équipé grâ ce à
l'aide matérielle que lui fournit le colonel anglais Georges Starr du
«Spécial Opération Exécutive» qui a domicile à la fin de l'année 1942
chez Roger Lambeau, le Maire Castelnau-sur-l'Auvignon.
Le Corps Franc Pommiès, encadré par des militaires d'active et
également bien armé, constitue des unités très manoeuvrières. On compte
enfin des groupes F.T.P. (Francs Tireurs
Partisants) dans certaines localités comme Vic-Fezensac et Miradoux.
Au 6 juin 1944, la plupart de ces troupes sont mobilisées. Elles
exécutent les opérations de sabotage et de harcèlement de l'ennemi
prévues par les plans du Haut-Commandement allié. Les lignes
téléphoniques sont cisaillées, les voies ferrées coupées de façon à
isoler les allemands dans leur garnison.
Mais à partir du 20 juin approximativement, ils réagissent
violemment. De forts détachements de la Wehrmacht, que les maquisards
ne peuvent attaquer faute de moyens, parcourent les routes ou
entreprennent des actions de contre-guérilla qui finissent
tragiquement, ainsi à Meilhan et à Viella.
Mais il arrive aussi que les Allemands essuient des pertes comme
à Estang, Leboulin, Bellegarde, Miramont d'Astarac. La crainte du maquis
est toujours latente.
Le débarquement du 15 aoû t sur les côtes de Provence sonne
l'hallali pour l'occupant. Le 19 aoû t, la garnison d'Auch, environ 250
hommes, quitte la ville dans l'intention de se joindre au gros des
troupes en retraite à Toulouse. Mais elle est stoppée par un barrage de
fortune au pont de Save à l'Isle-Jourdain.
Le Bataillon de l'Armagnac cerne
ses positions dans la nuit. Le véritable combat l'engage le lendemain
matin et l'arrivée des compagnies du Corps Franc Pommiès dans l'après-midi met
un point final à l'opération. Le soir, les Allemands fortement éprouvés
par le combat, se rendent les uns après les autres. Le Gers s'est
libéré de lui-même. Il n'y a plus un ennemi en armes sur toute
l'étendue du département.
L'épopée du 2e Dragons est exemplaire :
dans l'organisation clandestine de notre département, puis dans la 1re
Armée française du général de Lattre de Tassigny où il se distingue en
particulier au cours de la bataille d'Autun. C'est ici que les dragons
du corps franc Pommiès retrouvèrent les autres dragons "évadés par
l'Espagne". Il faut lire à ce sujet le remarquable
ouvrage du colonel Gérard Saint-Martin, historien gersois, préfacé par
Pierre Messmer de l'Académie française. Publié aux éditions Economica,
sous le titre "l'arme blindée française", avec en tome 1 :
Mai-juin 1940 ! Les blindées français dans la tourmente et un tome 2 :
1940-1945 ! dans le fracas des batailles.